Je crois que même avant que je sache exactement ce qu'était le CSS, j'avais déjà entendu quelqu'un me dire "Je HAIS le CSS". Cette phrase était souvent dite par un de mes amis du back-end, et souvent pour de très bonnes raisons. Cet article n'essaiera pas de défendre ni de vous faire aimer le CSS, mais comme les outils de développement front-end évoluent rapidement, je trouve intéressant d'expliquer les nouvelles façons d'écrire le CSS.
D'abord, pour comprendre quel sont les problèmes que les nouveaux outils tentent de résoudre, un petit rappel sur ce qu'est le CSS : Cascading Style Sheets ou Feuilles de style en cascade.
Une feuille de style ? C'est facile ! C'est un bout de code qui lie des "styles" à du HTML. En cascade ? Et bien, quelques fois un élément HTML peut correspondre à plusieurs styles, et "en cascade" est le groupe de règles qui permet de déterminer lequel appliquer.
Voici du code CSS basique : nous voulons que nos titres h1 soient rouges.
h1 {
color: red;
}
Ici, nous lions la règle (ou déclaration) color: red
au sélecteur
"h1". Un sélecteur peut contenir plusieurs règles dans son bloc de déclarations.
Et les dernières lueurs de bonheur s'éteignent alors que nous entrons dans l'enfer de la cascade
La cascade est pour moi un désastre qui rend le CSS très compliqué à maintenir si on ne suit pas de lignes directrices ou on n'utilise pas d'outils pour l'écrire. Je vais vous montrer quelques exemples simples pour vous expliquer les principaux concepts de la cascade, mais gardez en tête que la plupart des applications web contiennent de nos jours beaucoup de code, aggravant les effets de la cascade.
La nécessité d'avoir un système comme la cascade vient du fait que le CSS permet à plusieurs règles de style de s'appliquer à un même élément, ces dernières pouvant même venir de plusieurs origines (du site, mais aussi du navigateur ou encore même de l'utilisateur). Il faut donc pouvoir définir dans ce cas-là quelle est la règle qui au final sera appliquée. Pour cela, la cascade donne à chacune un poids, calculé selon un certain nombre de critères, et applique la règle la plus lourde. Cela peut paraitre simple au premier abord, mais les critères de calcul de poids ne le sont pas du tout.
Les règles qui sont les plus légères dans la cascade ne sont pas vraiment un problème, mais il faut les connaitre afin de s'éviter des surprises :
Voici le haut de la cascade. Ce sont les règles qui font qu'un titre h1 est gros même si on ne l'a pas spécifié.
Ensuite, les règles sont héritées depuis les éléments HTML parents. Si on
reprend notre élément h1, si une règle color: blue
est définie sur l'élément
body
, le titre va en hériter, et sera donc bleu.
Ceci étant dit, on entre maintenant dans un niveau plus douloureux de la cascade.
La position d'une règle par rapport aux autres va influer sur son poids. Deux règles auraient pu avoir le même poids si elles étaient à la même position mais, au final, c'est la dernière qui sera la plus lourde et sera donc appliquée. La dernière. Quand il s'agit de code assez simple, cela peut être facilement compréhensible :
h1 {
color: red;
color: blue;
}
Facile, n'est-ce pas ? Le titre sera bleu ! Mais s'il y a une règle color: red
dans un fichier CSS nommé foo.css, et une règle color: blue
dans un autre
fichier nommé bar.css, que le fichier foo.css met plus de temps que le
fichier bar.css à charger, mais que le tag HTML référençant foo.css est
avant celui de bar.css, quelle règle est appliquée ? Eh bien, c'est plus
compliqué à savoir. (indice : le temps de chargement n'est pas pris en compte)
Ce critère est un niveau de complexité au-dessus des autres, si bien que des personnes en ont fait des calculettes pour le simplifier. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il faut savoir que le poids d'un sélecteur est égal à la somme des poids de tous les sélecteurs le composant. Et que tous les sélecteurs n'ont pas le même poids.
.title {
color: red;
}
body header h1 {
color: blue;
}
Ici, le premier sélecteur pèse 10 parce qu'il contient un sélecteur de classe CSS, qui pèse lui-même 10. Le deuxième sélecteur quant à lui pèse 3, parce qu'il contient trois sélecteurs de tag, pesant chacun 1. Et donc, comme 10 > 3, le titre h1 sera rouge !
Les règles qui sont dans l'attribut “style” d'un élément HTML sont plus lourdes que n'importe quel sélecteur défini précédemment. Et donc voici un titre bleu :
h1 {
color: red;
}
<h1 style="color: blue;">Title</h1>
Et enfin le dernier critère, le God Mode, le broyeur de styles, le mot-clé !important. Quand on veut VRAIMENT que le titre soit rouge :
h1 {
color: red !important;
}
<h1 style="color: blue;">Title</h1>
Et comme toute la cascade est à propos de poids, si deux règles sont marquées comme !important, le reste des critères est toujours pris en compte pour calculer laquelle est la plus lourde, et donc appliquée.
…Et on ne peut pas faire plus compliqué que ça. Maintenant, imaginez des milliers et des milliers de sélecteurs et règles cascadant les uns sur les autres pour définir le style d'un site, et vous comprendrez l'enfer que peut être le CSS. Ainsi, des développeurs CSS ont imaginé différentes méthodologies et outils pour éviter ce cauchemar !
Maintenant, je vais vous présenter comment ma façon d'écrire du CSS a évolué au fil du temps. Ne vous attendez pas à une chronologie complète de tous les outils inventés depuis la création du CSS en 1996 (j'avais 6 ans !) mais plutôt une explication de comment je me suis débrouillé avec la cascade dans ma courte expérience personnelle.
J'ai commencé à developper des applications web en 2012, en plein âge d'or des pré-processeurs. Ils étaient apparus quelques années auparavant, comme le CSS lui-même n'était pas suffisamment adapté pour construire des sites complexes. Les pré-processeurs sont des compilateurs qui génèrent du code CSS à partir de languages légèrement différents, comme Sass ou LESS. Ces nouveaux languages permettent de créer des variables par exemple, ou d'imbriquer des sélecteurs, entre autres merveilleuses nouvelles fonctionnalités.
On peut transformer ce vieux code CSS compliqué à maintenir :
body {
background: #e5e5e5;
}
body h1 {
color: #333333;
}
en cette bien meilleure version :
$textColor: #333333;
body {
background: lighten($textColor, 90%);
h1 {
color: $textColor;
}
}
Avec ces nouveaux outils, et pour éviter aux règles d'entrer en collision dans la cascade, nous avons commencé à imbriquer nos sélecteurs et à répliquer toute notre structure HTML dans le code de notre pré-processeur favori. Notre CSS se retrouva donc avec des sélecteurs très long et lourds qui étaient associés uniquement avec un element HTML précis, comme ce dernier :
.searchPage .sideBar .refinements.default .category .star input
Et ça a plutôt bien marché au début ! Mais ces sélecteurs n'étaient pas les plus performants, et la structure du HTML étant répliquée, n'importe quel changement dans cette dernière doit être répercuté dans les styles. Donc je suis passé à autre chose.
À ce moment, quelques nouvelles guidelines CSS ont commencé a attirer mon attention. On pouvait les utiliser avec les pré-processeurs, et avaient pour but d'éviter les collisions dans la cascade (tout comme l'imbrication des sélecteurs) avec un certain nombre de règles, comme sur le nommage des sélecteurs.
Ces méthodologies sont arrivées au moment ou je commençais à découper mes développements en composants. L'imbrication des sélecteurs ne marchait pas très bien avec ces derniers, vu que le but est de créer des bouts de code réutilisables partout dans la web app, comme un bouton par exemple. La méthodologie que j'utilise (toujours aujourd'hui) est appelée BEM, pour Block Element Modifier, mais il y en a d'autres avec le même but : chaque élément HTML de mes composants doit avoir une classe CSS qui lui est unique. De cette façon, pas besoin d'imbrication, et pas de collision de la cascade !
Et ce code de pré-processeur :
h1 {
color: $textColor img {
border: 1px solid black;
}
}
se transforme en :
.Title {
color: $textColor;
}
.Title-icon {
border: 1px solid black;
}
Évidement, le code HTML doit être mis à jour avec les nouvelles classes, mais les sélecteurs sont maintenant courts et compréhensibles. Et ceci, sans aucune chance de collision de cascade.
Maintenant, pour pouvoir mieux expliquer un dernier outil, celui qui je pense va résoudre tous nos problèmes, il faut que je vous montre une autre approche pour contourner les problèmes de la cascade :
Ici, pour éviter à nos règles CSS d'entrer en collision, nous… n'en écrivons plus ! Les frameworks CSS sont des styles déjà écrits qu'on peut utiliser avec des classes CSS spécifiques. Il y a deux approches ici :
Les frameworks de styles "finaux" comme Bootstrap.
Il suffit d'ajouter la classe btn
sur un élément HTML et… tada ! C'est
maintenant un magnifique bouton. Certaines variables sont modifiables pour
transformer le look global du framework.
Les frameworks de styles "utilitaires" comme Tachyons.
Ici, il n'y a pas de styles pré-définis, mais plein de classes utilitaires
sont disponibles, comme pam
pour donner un medium padding à un élément, ou
encore ba
pour lui donner une border all tout autour.
Les frameworks utilitaires sont assez intéressants, du fait que le fichier CSS
final fera autour de 10kB et jamais plus, même si le site grandit ! Mais il y
aura beaucoup de classes peu compréhensibles dans le code HTML. C'est comparable
aux styles inline, avec une optimization de poids final, comme ba
est plus
court que “border-style: solid; border-width: 1px;”
Ces frameworks nous évitent tout tracas avec la cascade ! Mais je n'aimais pas le fait d'utiliser un framework, ainsi qu'avoir beaucoup de classes non compréhensibles dans mon code HTML. Cependant, la totale réutilisabilité et modularité des styles, sans problèmes de cascade, sont impressionnants.
Cela nous amène donc à cet outil génial, forgé directement avec la meilleure magie JavaScript :
Ce concept a d'abord pris forme suite à une simple observation : de nos jours, le CSS est compilé à partir d'autres languages pour permettre une écriture plus facile, et pour cette même raison le HTML est aussi généré grâce à des outils de templating en JavaScript. Mais les sélecteurs CSS, le lien entre les éléments et les styles, ceux-la même auxquels le codeur doit faire très attention pour éviter qu'ils n'entrent en collision, n'ont pas d'outils du tout.
Et CSS Modules fut créé. La première fonctionnalité intéressante est la génération automatique des noms de classes CSS. Plus d'inquiétude sur leur unicité, on peut les nommer comme on veut, au final ceux générés dans le HTML seront uniques. Promis. Cela nous permet de réécrire ce code CSS en BEM, et HTML :
.Title {
color: $textColor;
}
<h1 class="Title"></h1>
en ce code CSS et template JavaScript :
.styleName {
color: $textColor;
}
import styles from "./style.css";
`<h1 class=${styles.styleName}></h1>`;
Une fois compilé, ce code générera quelque chose comme ça :
.styleName__abc5436 {
color: #333333;
}
<h1 class="styleName__abc5436"></h1>
Une casc-quoi ? Je ne sais pas ce que c'est ! ❤️
La deuxième fonctionnalité géniale, directement inspirée par les frameworks CSS modulaires comme Tachyons, est la composition des styles. De la même façon qu'en ajoutant plusieurs classes utilitaires sur son élément HTML, CSS Modules nous permet de composer nos classes à partir de styles communs. Laissez-moi vous montrer :
.titleColor {
color: #333333;
}
.bigTitle {
composes: titleColor;
font-size: 24px;
}
.mediumTitle {
composes: titleColor;
font-size: 16px;
}
import styles from "./style.css";
`<h1 class=${styles.bigTitle}></h1>
<h2 class=${styles.mediumTitle}></h2>`;
va générer :
.titleColor__abc5436 {
color: #333333;
}
.bigTitle__def6547 {
font-size: 24px;
}
.mediumTitle__1638bcd {
font-size: 16px;
}
<h1 class="titleColor__abc5436 bigTitle__def6547"></h1>
<h2 class="titleColor__abc5436 mediumTitle__1638bcd"></h2>
Et ceci, messieurs-dames, est plutôt fantastique. Les styles sont modularisables et composables, et ce sans classes incompréhensibles mais directement dans les feuilles de style. Et les collisions de sélecteurs et règles ne sont plus qu'un mauvais souvenir.
Et c'est ainsi que j'ai expérimenté avec le CSS et sa cascade jusque-là. J'espère que les mois et les années à venir vont me surprendre avec de meilleurs outils et / ou méthodologies, et je serais heureux de les apprendre et les essayer 👍