Introduction à l'Overlay Manager Service, expliqué par quelqu'un qui n'y connaît rien

jojmaht
jojmaht 2017/11/02

DISCLAIMER : J'entrave pas un keyword de Java, j'ai jamais développé une seule app native, et plus globalement, je ne connais vraiment pas mon sujet. Ainsi, si quelqu'un s'y connaissant mieux que moi passe par là, qu'il n'hésite surtout pas à me corriger et à m'afficher devant la planète entière, j'ai besoin de nourrir mon syndrome de l'imposteur.

Salut les copains aujourd'hui tonton FoetusBoy (SkinnyFoetusDaron) (moi) va vous parler d'un sujet qu'il ne connaît pas et qui s'insèrera à ce titre aux côtés d'autres sujets qu'il ne connaît pas tels que la joie de vivre, les souvenirs des jours joyeux et comment ne pas parler de soi à la troisième personne.

Ouvrez vos calepins à la page bullshit, on va faire un cours sur l'Overlay Manager Service (ou OMS) d'Android, sur comment ça fonctionne et comment vous allez pouvoir l'utiliser pour faire des trucs moches.

hahaha comment c'est trop moche
J'ai séché les cours de théorie des couleurs

Okay alors maintenant que vos rétines sont perpétuellement démolies par cette capture d'écran et que votre curiosité est piquée au vif, on attaque le cours d'histoire. Fin 2015, deux ingénieurs de chez Sony Mobile, Mårten Kongstad et Martin Wallgren, que j'identifie à 99% de chances comme étant probablement tous les deux Suédois (et qui illustrent bien l'inventivité de ce peuple lorsqu'il s'agit de trouver toutes les façons de nommer quelqu'un Martin), coécrivent un commit dans l'AOSP (Android Open-Source Project), sous le chouette identifiant "OMS: introduce the OverlayManagerService". Cet événement est chouette pour deux raisons :

  • La première est qu'Android étant malgré le contrôle de Google un projet open-source, c'est toujours intéressant de voir les constructeurs participer un peu au projet (les mauvaises langues diront que seul Sony joue vraiment le jeu de l'open-source et les mauvaises langues n'auraient pas vraiment tort).
  • La deuxième est que ça marque l'arrivée sur Android d'un véritable système de theming (thématisation en Français, donc je vais dire theming plutôt hein), permettant ainsi aux constructeurs d'implémenter leurs customisations de façon beaucoup plus souple et surtout aux initiés (moi et bientôt vous) de s'amuser un peu.
  • Troisième raison (bonus) : C'était bientôt Noël et cette année-là on m'avait offert un joli manteau.

Commençons. Comme son nom l'indique si vous parlez la langue de Jay-Z, l'Overlay Manager Service est un service de gestion de surcouches.

Si votre Google Translate n'a pas l'option de traduction de Jay-Z vers Molière c'est que vous n'avez pas souscrit à un abonnement Translate Gold

L'OMS est lui-même le successeur du RRO, pour "Runtime Resource Overlay", ancien système propriétaire de Sony Mobile, utilisé en interne pour déployer et paramétrer rapidement leur surcouche à Android en fonction des demandes et besoins des opérateurs et des mises à jour d'Android lui-même ou bien pour faire fonctionner les Thèmes Xperia (on connaît Sony assez friands de la customisation par les utilisateurs depuis la sortie de la PS3, surtout quand il s'agit de vendre des thèmes à 25$).

Ce Runtime Resource Overlay (surcouches de ressources à l'exécution) s'opposait à l'outil Static Resource Overlay (surcouches de ressources statiques), un flag du packager d'Android (aapt) qui était comme qui dirait "bien mais pas top" : il permettait de séparer le code source d'une application de sa surcouche pour garder une base de travail propre (bien) mais ces surcouches ne pouvaient être installées qu'à la compilation de l'app, les rendant donc chiantes à débugger et nécessitaient plus ou moins qu'on soit le vendor original de l'application à modifier (pas top). Le principal intérêt du RRO était donc de faire sauter ces "barrières".

Voyant donc que l'un des principaux reproches faits à Android, à raison ou à tort (à raison hein, on va pas se mentir) était sa fragmentation et que l'un de ses facteurs (mais non le seul) était lié aux vendors (Samsung.) mettant trop de temps à recoder leur surcouche de A à Z à chaque version d'Android (et que de toute façon pourquoi s'emmerder à mettre à jour un téléphone gratuitement alors que tu peux en vendre un nouveau pour 700 pétrodollars allez achète, vil consommateur ?) les braves petits ingés de chez Sony ont préféré faire une petite PR sympa du côté de l'AOSP pour ajouter ce système de surcouches en natif dans Android. Resté dormant pendant quelques temps, l'OMS a enfin été activé de façon officielle (à peu près) par Google, lors de la sortie d'Android 8.0 Oreo, qui en tire une utilité assez basique mais prometteuse : changer littéralement une seule couleur dans l'interface, spécifiquement pour les téléphones Pixel.

époustouflan
époustouflan

Ça peut paraître peu mais c'est finalement ce genre de modifications à la con qui peut considérablement ralentir le portage d'une nouvelle version d'Android sur un device existant. Ouvrons un peu le ventre de la bête.

Un overlay, ça fonctionne assez simplement. Il prend la forme d'un Android PacKage (ci-après APK), le format standard des applications Android, genre de point JAR survitaminé, qu'il conviendra donc de signer s'il vous plaît merci c'est important bonne journée, si vous comptez l'installer par vous-même en dehors de l'IDE consacré (Android Studio, donc). De par sa nature d'APK, un overlay devra donc contenir un AndroidManifest.xml, sorte de package.json si je devais faire une équivalence avec le dev web, cet AndroidManifest donc, qui prendra la forme suivante :



    

Mettons les points sur les i et définissons immédiatement ce qu'un overlay n'est pas : un overlay n'est pas une extension d'application, il ne peut en aucun cas rajouter des fonctionnalités à une application existante, de la même manière que vous galéreriez à rajouter des features à un site existant juste en modifiant son CSS. En somme, à peu de choses près, un overlay se réduit à une feuille de style où toutes les déclarations seraient faites avec !important et comme on aime les bonnes pratiques bien maintenables chez PutainDeCode on vous rappellera de ne JAMAIS faire ça s'il vous plaît.

Là où la comparaison s'arrête c'est que contrairement à CSS, les ressources d'une application ne comprennent pas que les couleurs et occasionnellement les dimensions des blocs, mais peuvent renfermer les icônes, les sons, les images, et à peu près tout ce que le développeur original a voulu foutre dedans.

En résumé, rajouter une feature pour envoyer des SMS depuis votre lecteur de musique : c'est non; remplacer toutes les couleurs d'une appli par du rose, les typos par du Comic Sans MS et les sons d'interactions par le bruit d'un canard qui fait "Coin coin" : c'est oui.

D'ailleurs on va rendre l'application Calculatrice (dont le nom de package est "com.google.android.calculator", ça servira plus tard) toute rose parce que pourquoi pas. En décompilant donc l'APK à l'aide de notre fidèle apktool, nous voilà dans le cœur du code, dans la matrice, dans la mer numérique, bref, dans un sacré paquet de fichiers XML.

Mes collègues détestent que je dise I'm in à chaque fois que je fais un git pull
*hacker voice* I'm in

Selon toute logique, la gestion des couleurs de l'app va probablement se retrouver dans un fichier qui s'appelle à peu près colors.xml, ce qui n'est pas étonnant parce que c'est comme ça qu'on nomme ses fichiers quand on veut s'y retrouver, j'ai appris ça à l'école quand je mettais des gommettes sur mes cahiers. Il s'agit donc maintenant de voir ce à quoi sert chaque valeur dans ce fichier. Si vous arrivez à déduire le code hexa d'une couleur juste en la regardant, félicitations, vous êtes probablement un Terminator. Pour ceux qui ne sont pas des robots tueurs venus du turfu, faire une capture d'écran de l'application et ouvrir celle-ci dans Photoshop fonctionne très bien aussi.

Featuring l'outil pipette de Photoshop, on applaudit l'outil pipette de Photoshop
Devinez à quel moment j'en ai eu marre de faire de belles flèches bien droites

Les trois valeurs nous intéressant sont donc pad_advanced_background_color, pad_numeric_background_color et pad_operator_background_color qui sont finalement assez bien nommées. Vous remarquerez que les couleurs sont au format #aarrggbb et non pas #rrggbb, donc faites gaffe quand vous tripotez ça et que vous remplacez les couleurs par du rose (j'ai choisi le Bubblegum Pink de Pantone mais si vous préférez d'autres teintes de rose, libre à vous). Il s'agit maintenant de créer un nouveau fichier colors.xml dans notre template OMS qu'on va remplir ainsi :

<?xml version="1.0" encoding="utf-8"?>
<resources>
    <color name="pad_advanced_background_color">#fff4cbd4</color>
    <color name="pad_numeric_background_color">#fff4cbd4</color>
    <color name="pad_operator_background_color">#fff4cbd4</color>
</resources>

Puis nous pouvons enfin compiler notre chef d'œuvre (toujours avec apktool) puis l'installer sur notre appareil, non sans l'avoir au préalable signé, puis enfin de l'appliquer via la commande

adb shell cmd overlay enable [le namespace de votre package que vous avez spécifié dans AndroidManifest.xml, moi par exemple c'est "com.sfb.pinkcalc"]

(il faut que votre téléphone soit en mode Développeur et que vous tourniez sous Android Oreo minimum sinon ça ne marchera pas, pas la peine de me demander pour faire marcher ça sur votre téléphone si vous êtes sous Gingerbread, tout ce que je ferai ce sera me moquer de vous).

Admirons ce merdier, maintenant.

Sans rire, depuis l'écriture de cet article j'ai pas désactivé cet overlay, j'aime vraiment le look que ça donne à l'app calculatrice
Absolument splendide.

C'est à peu près tout pour l'OMS, pour les bases du moins, n'hésitez surtout pas à décompiler toutes les apps que vous trouvez pour voir un peu comment ça marche à l'intérieur, c'est aussi pour ça que c'est cool Android. Allez faire vos propres trucs moches maintenant. Ciao.

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